Lettre ouverte à Monsieur Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture

Quel espace réel pour la santé naturelle, entre besoins, dogmatisme et règlemen-tation, à l’heure de la COP 21, de la loi Biodiversité et du plan Eco-antibio ? Quelles évolutions sont revendiquées par des professionnels de l’élevage, pour une cohérence globale de ces objectifs ?

Monsieur le Ministre,

Dans un courrier daté du 12 octobre 2015 adressé à Madame Laurence Dumont, vice-présidente de l’Assemblée Nationale, vous répondez à ses questions sur la place accordée aux produits à base de plantes en élevage dans la future législation européenne, et vous approuvez et justifiez la réglementation en préparation. Vous évoquez divers objectifs qui seraient poursuivis par la législation sur le médicament à base de plantes, entre autre l’allègement des charges administratives et des procédures, la prévention de l’antibiorésistance, la stimulation de l’innovation. Vous insistez également sur la notion de sécurité sanitaire et alimentaire, sur le besoin d’une évaluation appropriée avant mise sur le marché.

Nous prenons la parole en tant que professionnels de l’agriculture et de l’élevage, acteurs de la santé naturelle, vétérinaires phyto-aromathérapeutes et homéopathes, éleveurs utilisant les plantes et leurs extraits pour une meilleure santé de leurs animaux. Notre expérience de terrain et les difficultés que nous rencontrons montrent que l’évolution récente des règlements européens et nationaux est en opposition systématique avec l’ensemble de ces objectifs. Il n’existe pas de médicament à base de plantes en élevage, aucun produit végétal ne pouvant répondre aux normes et aux exigences administratives disproportionnées actuelles, et assumer les coûts nécessaires à l’achat du droit de les commercialiser.

Comment justifier les entraves draconiennes à l’utilisation de produits de santé animale à base de plantes traditionnelles non préoccupantes, alors que l’agriculteur qui n’est pas en mode de production biologique peut épandre en autonomie dans ses cultures alimentaires et dans l’environnement des pesticides phytosanitaires de haute toxicité biologique et écologique ? Les Autorisations de Mise sur le Marché délivrées pour ces pesticides et la certification Certiphyto visant à mieux maitriser leur utilisation ne justifient pas ce paradoxe indéfendable. Comment se fait-il que des méthodes naturelles, de haute innocuité sanitaire et écologique, validées par l’utilisation de terrain, la tradition et les sciences du végétal, soient mises hors-jeu par la législation actuelle, et que les produits de synthèse phytosanitaires ou médicamenteux soient en pratique les seuls autorisés ?

Les plantes et les produits à base de plantes traditionnelles sont peu disponibles sur le marché, par absence de cadre administratif adapté et parce que les professionnels qui les utilisent ou les commercialisent sont en insécurité juridique croissante. Celle-ci se révèle hautement préjudiciable au développement de méthodes naturelles efficaces, sans danger et conformes aux enjeux sanitaires et écologiques du XXIème siècle.      La voie unique de la santé officielle est étroitement balisée. Au delà de cette limite, votre ticket (= diplôme, méthode alternative, produit naturel, conditionnalité des primes PAC) n’est plus valable. Tout contrevenant sera sévèrement sanctionné. Difficile de stimuler l’innovation dans ces conditions…

Il devient plus risqué sur le plan pénal d’utiliser des plantes médicinales traditionnelles en élevage que de trafiquer de la cocaïne. Un arsenal réglementaire et normatif disproportionné, d’une complexité extrême, des sanctions lourdes s’opposent à leur utilisation. Les administrations d’au moins quatre ministères [Santé, Agriculture, Economie, Ecologie, et plusieurs agences transversales] contrôlent leur application sans discernement pour les enjeux réels, et freinent des quatre fers contre les solutions naturelles efficaces et non préoccupantes, adaptées à la prévention de l’antibiorésistance, qui est pourtant un axe de santé publique essentiel.

NOUS SOUHAITONS TEMOIGNER DU FAIT QUE LES METHODES NATURELLES PHYSIOLOGIQUES PERMETTENT DE DIMINUER DES 2/3 AU MINIMUM L’UTILISATION DES ANTIBIOTIQUES ET DES MEDICAMENTS EN ELEVAGE LAITIER. Pourtant ces méthodes naturelles, de haute efficacité et présentant un niveau de risque extrêmement faible, sont écartées au profit de médicaments de synthèse beaucoup plus problématiques.

Nous voulons mettre en lumière les raisons et les manipulations réglementaires qui expliquent ce paradoxe. Nous souhaitons également voir évoluer les législations, afin de faciliter l’usage des plantes favorables à la santé animale.

La sécurité sanitaire et alimentaire, invoquée systématiquement par les administrations pour justifier ces entraves, n’est pas un prétexte crédible, ces méthodes présentant un rapport bénéfices/ risques extrêmement favorable, avec une innocuité sanitaire, alimentaire et environnementale excellente, dès que les normes élémentaires et l’exigence de qualité des matières végétales sont respectées.

Les plantes favorables à la santé [Voir définition annexe 2, p. 8 du dossier argumenté] sont associées à l’histoire de l’humanité depuis son origine. La confirmation de leur intérêt et de leur innocuité revient à la recherche scientifique publique, qui les a évaluées et largement validées à mesure que la science progressait.

Fondamentalement, nous contestons qu’il devienne indispensable d’acheter à des prix inaccessibles des autorisations pour utiliser ou commercialiser des plantes favorables à la santé dans le respect des connaissances traditionnelles et scientifiques parfaitement établies. Cet abus de pouvoir remet en question notre appartenance et notre dépendance vitale à la communauté des espèces vivantes interdépendantes, appelée biodiversité, et l’inaliénabilité des biens communs naturels. La plupart des plantes que nous utilisons sont présentes dans l’environnement et l’alimentation naturelle de nos herbivores ou dans l’alimentation humaine, les diaboliser est injustifié. Pourtant les experts et les agences du médicament chargées de les autoriser persistent à méconnaître leur antériorité d’utilisation et de validation scientifique, ainsi que leur intérêt remarquable sur le terrain. Nous faisons remarquer que l’indépendance d’analyse de ces agences n’est pas assurée, car elles sont conceptuellement et économiquement liées au secteur de l’industrie pharmaceutique, exploitant sous brevet des molécules de synthèse.

La remise en question croissante, par la législation et la normalisation, du droit à utiliser des biens communs naturels non préoccupants et renouvelables est opposée à l’éthique, à l’intérêt public, à la sécurité et au maintien d’une autonomie alimentaire et sanitaire minimale, à l’intégration écologique et au respect environnemental. Ces évolutions réglementaires ont pour but l’accroissement des monopoles et des profits des multinationales. Faudra-t-il bientôt payer des taxes pour cultiver son potager, pour admirer un paysage, pour respirer ?

Il n’y a pas que le climat qui pose question pour l’avenir de la vie sur notre planète.         De nombreux indicateurs clignotent en rouge, mais le système dissimule ou minimise la gravité des déséquilibres et des tensions qu’il provoque, afin de préserver les intérêts de ceux qui sont responsables de ces déséquilibres.

Nous connaissons votre intérêt pour l’agroécologie. Le changement de modèle agricole est un impératif fondamental pour permettre un avenir soutenable. Les méthodes que nous utilisons y répondent. Nous vous remercions pour l’attention portée à ces problématiques, nécessitant des évolutions réglementaires qui sont de votre ressort, afin de les mettre en accord avec les besoins et les intentions annoncées.

Vous trouverez un dossier complet argumenté sur ces questions sur la page documents et liens, et en annexe de ce dossier des définitions dans le cadre de la santé naturelle.

Recevez, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses

Les professionnels cosignataires :

Philippe Labre, vétérinaire, conseil et formateur en santé naturelle en élevage – Stéphanie Pageot, Présidente de la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) - Eliane Anglaret, présidente de la Fédération Nature & Progrès - Alain Boutonnet, vétérinaire homéopathe en élevage – Patrice Rouchossé, vétérinaire homéopathe et formateur en homéopathie – Catherine Roffet, vétérinaire conseil en élevage ruminants – Pierre Trichot, vétérinaire et formateur en élevage, homéopathe – Yves Levesque, vétérinaire conseil pour le groupement d’éleveurs(euses) Biolait - Anne Milliard-Husken, vétérinaire – Véronique Zenoni, vétérinaire ostéopathe et formatrice en élevage – Nico Coenders, vétérinaire mixte – Charlotte Devaux, vétérinaire -  Anne-Marie Gourc, vétérinaire conseil en élevage bovin et ovin – Xavier Niaux, Eleveur équin, bovin, ovin, Vice Président ITAB,  Président du GRAB Bourgogne – Thierry Thevenin, paysan herboriste, porte parole du Syndicat SIMPLES - Olivier Roy, gérant de société de diététique animale – Guy Kastler, membre de la Confédération Paysanne, éleveur sur parcours méditerranéen – Camille Ristori, docteur en génétique, ancien chercheur au CNRS, agricultrice-éleveuse en AB – Florence Hervé, GAEC de la Ferme d’En Gout, ingénieur en agriculture, vice présidente du CDTE 81 – Auriel Anne-Maelle, animatrice élevage à AgroBio Périgord – V. Corrège et F. Garnier, éleveurs caprins - Martine Cordel, éleveuse, Gaec de l’alliance - Clémentine Naudé, éleveur laitier – Frère Timoléon, éleveur fromager, La ferme du plateau, Abbaye Notre-Dame de Donezan – Gautier Clément, ostéopathe, phytothérapeute – Evelyne Lejeune, formatrice en production animale en CFPPA, ingénieur en agriculture – Elvis Stengel, gérant d’une ferme laitière en système « tout herbe » – Alain Rétière, Ing. ESA (79), Président de BFB (élevage ovin éco-pastoral transhumant dans les Monts d’Arée), Administrateur AEI - Stéphane Cozon et Marion Haas, éleveurs et producteurs de plantes médicinales et aromatiques en biodynamie – Sandrine Lizaga, paysanne élevant des brebis laitières en système pastoral – Jean-François Roussot, producteur d’huiles essentielles – Valérie Méo, paysanne herboriste, plantes médicinales en traction animale – Dagorret Patrick, éleveur – Magali Chambaud, exploitante agricole élevage équin, guide de tourisme équestre – Denis Carel, élevage caprin en AB, mention N&P – Claude et Mireille Mellet, éleveurs bovins lait – Olivier Hutter, éleveur caprin en AB – Marie Barberon, Bergerie de Scheuerwald – Dominique Barad, agriculteur et éleveur – Josette Fournié, éleveuse de vaches laitières, porte-parole de l’Association Agribiodrome –  Gaec du Trimaran, éleveurs adhérents du Groupement Biolait - J. Nizet, éleveur bovins lait en AB - Rémy Gicquel producteur bio – Paul-André et Isabelle Guillaume, éleveurs laitiers en AB en Normandie – Jacques Lemaréchal, ancien producteur de taurillons en intensif, devenu producteur de lait bio – Jean-Philippe Clair et Isabelle Mathy, producteurs de lait, adhérent Biolait – Aude Leroux, éleveuse – Ludovic Massard, éleveur vaches laitières bio – Leroyer Françis, producteur de lait - GAEC Delahais Antoine & Thomas, éleveurs bovins lait en AB -  EARL Bioloval, Valérie Chaillou et Laurent Février, producteurs de lait – May Gérard éleveur et adhèrent du groupement Biolait – Thierry Degrave, ingénieur agronome – Davy Christophe, EARL de la Ribardière – Olivier Touchard, paysan, éleveur de vaches laitières AB – Mathieu Launay, éleveur bovin-lait – Laurent Beaubois, adhérent biolait - Annick Gérard , agricultrice en production laitière biologique - Louis-Pierre Chauvin, éleveur de bovins laitiers en AB – Sophie Martinet, éleveuse de bovins-lait  avec transfo et vente directe en bio – Beauruelle Vincent, éleveur laitier - Bureau Antony, éleveur – Carol Johnson Le Gal, agricultrice en AB – Elisabeth, Eric et Mathieu Bortolotti – Samuel Poisson – Fanny Dupont – Rampon Michèle, associés du Gaec du Genépi – Céline et Michel Ragot, GAEC du Chemin Perray – Vincent Derr, éleveur de bovins limousins en AB – Les associés du GAEC de la Filochère, élevage laitier – Ghislain Rigal, éleveur de vaches laitières – Catherine et Christian Poulnot, EARL En Grillot – Bernard Bercaud, éleveur de VL en BIO depuis 1993 – Delphine Ravel, élevage bovins lait conventionnel – Bertrand Souply, éleveur de vaches laitières en GAEC – Andréa et Peter Stadler, agriculteurs en AB – François Madiot, éleveur – Vincent Gilbert, éleveur ovin lait et viande en AB – Laurent Haltel, paysan cueilleur de plantes médicinales – Inès de Rancourt, éleveuse de chèvre, membre du Syndicat caprin de la Drôme – Jehan de Butler, éleveur et fromager brebis laitières en AB – Laura Touvet, principale de collège E3D, Etablissement en Démarche de Développement Durable – Clément Urion, producteur de plantes médicinales en GAEC – Anthony Lorioux, éleveur en AB. – Sandrine Ganza, Agricultrice – Christian Bastard, éleveur – Eric Darley, éleveur ovin, producteur d’huiles essentielles … liste en cours de constitution


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