ENSEMBLE CONTRE LE VIVANT ?

Le principe le plus fondamental de la vie est méconnu des pouvoirs publics, des experts officiels, des décideurs économiques et industriels, des consommateurs que nous sommes presque tous. Cette loi incontournable était pourtant respectée de manière intuitive par les peuples primitifs.

Tu existes parce que tu fais partie d’un système vivant global (la biosphère pour les scientifiques) qui produit ta matière organique et ton énergie biologique, ton oxygène, l’écosystème qui te protège. Comme tout ce qui vit, de la fourmi à Donald Trump, tu es totalement dépendant du biosystème de la planète.

Inutile d’aller sur Mars, le monde vivant global de la planète Terre est un système unique dans l’univers, d’une infinie complexité, fondé sur la collaboration entre les espèces végétales, animales et les micro-organismes. Les espèces sont interdépendantes, aucune ne peut créer la vie seule ou détourner le système à son profit : c’est la biodiversité naturelle, et elle seulement, qui est la chaîne de production mutualisée du vivant. Elle est créée et animée par l’échange de matières, d’énergie, de services et d’informations biologiques entre les espèces, si les conditions du milieu local et de la planète sont favorables. Ce système vivant est fragile, en raison de sa complexité et de sa dépendance au milieu et au climat, mais il est aussi remarquablement intelligent : adaptable, évolutif, interactif et autorégulé. Moins l’homme intervient, mieux le système fonctionne, s’adapte, s’équilibre et se pérennise.

CONFLIT DE SYSTÈMES

Depuis quelques dizaines d’années, l’homme a introduit massivement dans le monde vivant des énergies fossiles et nucléaire, de la chimie de synthèse, a imposé de la croissance économique mondialisée, il a exploité la nature sans limites. De manière extrêmement rapide, nous sommes en train d’effondrer le système vivant global de la planète, en perturbant ses symbioses, ses rythmes, ses régulations, ses cycles, en dépassant ses limites et ses capacités de régénération. L’exploitation irraisonnée des ressources et l’artificialisation massive des écosystèmes (agriculture intensive, déforestation, transports, béton et bitume, mégalopoles, aménagements pharaoniques, pillage des océans), la pollution de la nature, l’omniprésence de pesticides et de molécules de synthèse bioperturbatrices dans les écosystèmes et les milieux vivants ne sont pas compatibles avec le fonctionnement du système vivant global. Avec 7,5 milliards d’humains et une proportion croissante de consommateurs, il est malade et décline rapidement. C’est mathématique, pas besoin d’être Einstein pour comprendre, les résultats sont sous nos yeux et confirmés par les statistiques. Si l’homme continue sur sa lancée, nous sommes en train de perdre la vivabilité de la Terre, qui deviendra, comme les autres planètes, cailloux et poussière.

En quoi est-ce que ça te concerne personnellement, alors que c’est un processus global, que tu comptes si peu dans le bilan du système, et que l’évolution vers le pire semble implacable ? Y a-t-il une solution pour éviter le naufrage ? C’est dérangeant pour notre confort intellectuel et matériel d’aborder ces questions, mais il est nécessaire de nous les poser et d’y répondre individuellement pour survivre. En étant des consommateurs compulsifs et manipulés ou au contraire des citoyens conscients et engagés, adeptes du low-tech durable, nos choix nous laissent une chance ou pas. C’est nous qui décidons.

La croissance et l’artificialisation sans limites ne peuvent pas nous sauver de l’effondrement du système, puisqu’elles en sont la cause. C’est particulièrement évident en ce moment, où la technologie semble impuissante face au coronavirus. Elle est responsable de son expansion foudroyante, par les effets pervers de la mondialisation industrielle, par son coût environnemental, par l’absence d’autonomie et de résilience de nos sociétés. Certains pensent même que leur smartphone va contribuer à résoudre la pandémie !

Il nous faut admettre et respecter le principe initial de la vie. Depuis 500 millions d’années, le monde vivant fonctionne exclusivement à l’énergie végétale et à la chimie des plantes. Ça n’est pas près de changer, même si l’homme a essayé de prendre le pouvoir sur la nature. En 2020, la solution d’avenir, la seule, c’est de retrouver et de préserver la nature, pas la croissance.

Article : Le Vivant ne fonctionne qu’à l’énergie et à la chimie végétale

Publication : Les Pieds sur Terre, retrouver le bon sens ou disparaitre / Ph. Labre ; Préface de P. Rabhi

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