Ph. Labre, docteur vétérinaire conseil en santé naturelle en élevage,
formateur en agrobiologie
Résumé : Les végétaux (les plantes, les forêts, le phytoplancton) représentent la part la plus importante de la biomasse terrestre. Ils en constituent surtout l’élément fonctionnel primordial, la matrice initiale du monde vivant : ce sont les producteurs primaires de la matière organique et de l’énergie biologique, de l’oxygène et des aliments. Ils sont aussi les régulateurs naturels du biosystème terrestre et du climat, ainsi que les protecteurs physiques et physiologiques pour l’ensemble des espèces, en particulier pour le règne animal. Pourtant, malgré leurs fonctions régulatrices et protectrices biologiques fondamentales, les végétaux ont été rétrogradés par la science officielle, dénigrés et diabolisés par la médecine conventionnelle. La commercialisation des plantes favorables à la santé des végétaux, des animaux et des humains est entravée par les réglementations au prétexte de sécurité sanitaire, afin de ne pas faire d’ombre au technosystème industriel et aux produits de synthèse, qui sont pourtant responsables de l’effondrement du vivant et du réchauffement du climat. Qui sont les responsables de cette manipulation aux conséquences apocalyptiques, alors que ce sont les végétaux qui transmutent des matières inertes en molécules biologiques pour l’ensemble du monde vivant, qu’ils en sont les régulateurs et les protecteurs, et les seuls capables de restaurer le biosystème terrestre gravement perturbé par l’artificialisation des milieux et par les produits de synthèse ? En 2022, peut-on encore se permettre de ne pas reconnaitre les fonctions vitales et protectrices des plantes, et continuer à imposer des réglementations technocratiques favorables à la croissance économique et aux lobbies industriels ?
Le monde vivant est un système dont la complexité extrême nous échappe – un biosystème naturel – produit par l’interaction d’une diversité presque infinie d’espèces végétales, animales et de microorganismes interdépendants. C’est en mettant en commun leurs compétences, en échangeant des matières et de l’énergie organiques, des services et des informations que ces espèces constituent le biosystème producteur et moteur de la vie. Aucun individu, aucune espèce ne peut exister sans être en symbiose ou dépendante de la biodiversité qui l’entoure. Il a fallu 4 milliards d’années pour que le biosystème naturel parvienne à son état actuel : une planète vivante et colorée, luxuriante de verdure et fourmillante d’animaux. Le phénomène de la vie nous semble évident, mais il est vulnérable, si les conditions climatiques deviennent moins favorables, si la biodiversité décline trop rapidement, mais surtout parce que l’homme technoscientifique a oublié que le monde vivant est constitué de molécules fragiles d’origine exclusivement végétales, et qu’à l’évidence, il est profondément perturbé par la chimie de synthèse.
Le biosystème naturel est doué de compétences remarquables, mais qui ne sont pas illimitées. Il est capable d’évoluer, de créer de nouvelles espèces, de réguler ses équilibres, de s’adapter aux changements du milieu, de faire preuve de résilience quand il est perturbé et de se perpétuer, alors qu’il est constitué d’êtres vivants fragiles et mortels ! Un exploit exceptionnel dans l’univers ! Les humains se sont révélés beaucoup moins pertinents et avisés, quand ils ont entrepris d’artificialiser la planète et d’exploiter ses ressources sans se donner aucune limite, sans comprendre ce qu’ils perturbaient d’essentiel dans le biosystème, sans respecter ses équilibres ni la vie des autres espèces dont l’homme est pourtant absolument dépendant.
Le monde vivant ne fonctionne qu’à l’énergie végétale et à la chimie complexe des plantes. Les molécules primaires de la vie sont produites par les plantes, seules capables de synthétiser des molécules vivantes avec de l’énergie solaire et des matières inertes : du CO2, de l’eau, de l’azote. Toutes les espèces animales, y compris l’homme, sont phytodépendantes de manière absolue pour exister, pour se nourrir, pour respirer, pour se protéger physiquement et s’adapter physiologiquement dans leur milieu de vie plus ou moins instable, compétitif, perturbé et pathogène. Pas de végétaux, pas de molécules biologiques ni d’oxygène, pas de vie animale …
Les végétaux sont les acteurs biologiques primordiaux : producteurs initiaux, régulateurs et protecteurs du vivant. Le règne végétal est la matrice primaire des molécules biologiques pour l’ensemble des espèces, le producteur des aliments, de l’énergie métabolique et de l’oxygène indispensables aux animaux. Il assure la synthèse de métabolites fonctionnels aux effets biostimulants, adaptogènes et protecteurs favorables à la dynamique de la santé animale lors des phases de stress ou d’agression (voir précédente communication). Les végétaux protègent physiquement les écosystèmes et la biodiversité. Enfin, ils sont les acteurs essentiels des régulations biologiques, écologiques et climatiques du biosystème terrestre, régulations fondamentales et puissantes, mais actuellement débordées par l’intensité toujours croissante des déséquilibres écologiques et climatiques dus à l’artificialisation du système vivant et aux perturbations écosystémiques.
Une manipulation gravissime de la science. Malgré les rôles biologiques décisifs fondamentaux des végétaux, les administrations de la santé et de la sécurité sanitaire n’ont eu de cesse de marginaliser les plantes favorables à la santé, d’en minimiser les rôles, de les placer dans des cadres subalternes aux rôles mal définis (des additifs, cadre commun avec les molécules de synthèse), de disqualifier les plantes médicinales par des cadres inadaptés à leurs caractéristiques naturelles (voir précédente communication), de les présenter comme des produits variables aux bénéfices non prouvés, à haut niveau de risques en faisant des amalgames avec les plantes toxiques, de critiquer leur absence d’autorisation administrative de mise sur le marché (AMM), de privatiser ces communs biologiques en faveur d’intérêts lobbyistes ou corporatistes. Il s’agit d’une manipulation scandaleuse de la science, destinée à éliminer les plantes favorables à la santé des végétaux, des animaux et des humains au profit des produits de synthèse industriels, ceux-là même qui sont responsables de perturbations physiologiques et écosystémiques inquiétantes, du déclin accéléré de la biodiversité et à terme, de l’effondrement global du biosystème terrestre. Qui sont les responsables de cette manipulation dont les perspectives sont si catastrophiques ? Où est la sécurité sanitaire et environnementale dans ces orientations funestes qui nient des évidences et sanctionnent les méthodes naturelles protectrices de la vie ?
Après seulement quelques décennies d’exploitation sans limites des ressources naturelles de la planète et des énergies fossiles, d’artificialisation massive des milieux (béton, bitume, aménagements pharaoniques, agrosystèmes intensifs) et d’introduction de molécules de synthèse dans les milieux vivants et dans nos aliments, la biodiversité décline à une vitesse hallucinante, les pollutions deviennent ingérables, les perturbations écosystémiques sont gravissimes, les sols vivants et les abeilles, acteurs symbiotiques essentiels, sont tués par les pesticides, les maladies dégénératives explosent. Nous sommes en train de saboter le biosystème naturel avec de la chimie industrielle. L’homme scientifique n’est pas le maitre de la planète, sa domination sans partage entraine un suicide collectif, un génocide global, sans parler du réchauffement du climat, qui aggrave le pronostic. Faut le faire, pour une espèce qui s’est appelée elle-même Homo sapiens, l’homme sage !
Nous vivons à crédit écologique, mais il n’y aura personne pour rembourser le déficit quand le krach écologique et climatique surviendra. Ce monde vivant surexploité et de plus en plus artificialisé n’est pas soutenable. C’est la modération, la sobriété, le partage des ressources et le respect du biosystème naturel producteur de vie qui peuvent nous sauver de l’effondrement et des risques de conflits géopolitiques qui vont le précéder. L’écologie est forcément décroissante, puisque nous consommons actuellement 1,75 fois les ressources de la planète (WWF), qui ne pourra pas assumer longtemps ce déséquilibre.
Quand les décideurs vont-ils enfin sortir de l’aveuglement et du déni pour intégrer cette urgence absolue ? Les solutions pour diminuer les risques d’effondrement ne sont pas industrielles, elles sont biologiques et en priorité végétales. La croissance permanente sur une planète qui apparait de plus en plus étriquée pour huit milliards d’humains, la consommation addictive, le business mondialisé, la protection coûte que coûte des intérêts industriels, l’absence de discernement, le refus de prendre en compte l’état alarmant de la planète, l’inaction politique, tout cela est absolument anachronique et mortifère si nous voulons que les générations futures puissent exister dans un monde encore vivable. Les solutions technologiques ne peuvent être que marginales pour la transition. Et il n’y a rien à attendre de la croissance et de l’artificialisation, c’est leur fuite en avant qui est responsable des problèmes.
La transition écologique – anticiper pour éviter l’effondrement du vivant – est somme toute simple à instaurer, mais il faut changer de modèle. Il faut respecter la nature pour qu’elle puisse exercer ses compétences fondamentales et laisser faire ce que le règne végétal sait faire à merveille : produire des molécules biologiques recyclables, réguler et restaurer les équilibres écologiques et climatiques, protéger les êtres vivants. Il faut pour cela avoir l’humilité de reconnaitre que la complexité du vivant nous dépasse, que les connaissances scientifiques sont insuffisantes pour prendre la main sur la nature, que l’artificialisation et l’exploitation de la Terre au profit d’une fraction de l’humanité n’est ni légitime ni soutenable. Il nous faut surtout admettre notre dépendance absolue au règne végétal, seul capable de réguler les déséquilibres écologiques et climatiques que nous avons provoqués, si toutefois nous n’outrepassons pas les limites de ses capacités à restaurer les équilibres vitaux. La décroissance, le respect des processus naturels, le retour du bon sens et la modération sont les conditions de notre survie. Tant pis si ces impératifs biologiques ne font pas rêver les transhumanistes et les consommateurs addicts aux innovations technologiques et aux mondes virtuels. Nous faisons depuis 70 ans un bras de fer avec la nature, mais nous sommes en train de perdre la partie.