Pourquoi la transition écologique ne progresse-t’elle pas ?

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par Philippe Labre, docteur-vétérinaire, conseil en santé naturelle en élevage et formateur en agrobiologie, membre de la commission élevage de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique

Fleurs sauvages

Nous sommes en haut de la pyramide du vivant, non parce que nous la dominons par notre intelligence, nos technologies et notre science, mais parce que nous sommes dépendants pour exister des espèces végétales et animales qui nous ont précédées – la biodiversité – et que si celle-ci s’effondre, nous disparaissons nous aussi.

Les végétaux constituent la base de la pyramide, ce sont eux qui produisent de la vie et de l’oxygène à partir de matières inertes (de l’eau, du CO2, de l’azote) et d’énergie solaire. Il est grand temps de changer de paradigme, l’homme n’est pas le maitre de la nature, il est dépendant des végétaux et de la biodiversité, qu’il ne respecte pas.

Un préalable biologique fondamental et impératif à notre existence, LA PHYTODEPENDANCE ABSOLUE DU REGNE ANIMAL n’est pas pris en compte par les concepts officiels de la sécurité et les réglementations. Un animal ou un humain est incapable d’assurer les fonctions primaires qui permettent son existence, sa survie et sa protection, produire de la matière organique et de l’énergie métabolique à partir du milieu inerte, produire de l’oxygène, des écosystèmes producteurs de vie et protecteurs de la biodiversité, puisque ces fonctions sont assurées par les végétaux.

Vaches

Les végétaux ont aussi un rôle déterminant dans la protection physique et physiologique (voir plus loin) des animaux et de l’homme. De manière paradoxale et inadaptée aux enjeux sanitaires et écologiques actuels, les végétaux protecteurs sont de fait éliminés par les réglementations, qui favorisent les produits artificiels de synthèse industrielle. Ces concepts de sécurité sont obsolètes à l’heure de la transition écologique, car l’artificialisation des écosystèmes, des agrosystèmes et les méthodes industrielles utilisées massivement sont les causes majeures de l’effondrement du vivant.

C’EST LE REGNE VEGETAL (les plantes, les forêts, le phytoplancton) QUI ASSURE LA PRODUCTION PRIMAIRE, LES REGULATIONS ET LA PROTECTION NATURELLE DU MONDE VIVANT. CETTE CONSTATATION BIOLOGIQUE EST UN PREALABLE IMPERATIF A L’EXISTENCE DES ANIMAUX, ET INDISPENSABLE A LEUR PROTECTION DANS LEUR MILIEU, MAIS ELLE FAIT L’OBJET D’UN DENI PAR LES DECIDEURS POLITIQUES, INDUSTRIELS ET ECONOMIQUES.

Le caractère primordial des fonctions vitales ou favorables du règne végétal pour le règne animal doit être admis avant de considérer les plantes comme des sources d’intoxication, aspect très secondaire par rapport aux rôles vitaux et protecteurs des végétaux. La complexité du vivant ne peut être appréhendée en surévaluant un aspect secondaire, la toxicité d’une proportion minime de végétaux, même si celle-ci doit être considérée bien évidemment.

La reconnaissance de ces impératifs biologiques incontournables nécessite une évolution des cadres de la sécurité et des réglementations concernant les produits de santé pour les végétaux, pour les animaux et pour les humains, actuellement dominés par les molécules de synthèse issues du monde industriel. Les molécules artificielles sont en grande partie responsables de l’effondrement de la biodiversité, de perturbations physiologiques et de perturbations écosystémiques graves, quand elles sont utilisées de manière massive ou prioritaire, ce qui est le cas en raison de la puissance du monde industriel, de l’attitude autoritaire des pouvoirs publics, de la réglementation et du cadre protecteur des AMM [Autorisation de Mise sur le Marché] favorable à ces produits.

Un exemple de raisonnement administratif qui nie l’importance de la transition écologique

La saisine de l’ANSES n°2020-SA-0083 sur la sécurité des médicaments à base de plantes en élevage a buté sur une impasse méthodologique, en essayant de concilier deux aspects inconciliables.

D’une part, un mode de pensée technocratique (respecter des cadres et règlements adaptés aux médicaments de synthèse et les favorisant : AMM, LMR [Limites Maximales de Résidus], Cascade thérapeutique [Code Santé Publique Art. L5143-4]) est imposé de manière préalable, comme une exigence absolument incontournable.

D’autre part, un mode de pensée biologique exigerait de considérer la protection du vivant comme une question primordiale pour le XXIe siècle, ce qui nécessiterait de favoriser des solutions biologiques, en particulier végétales. Ce blocage nécessite pour être dépassé de faire évoluer notre relation aux plantes, pour les considérer non comme des produits dangereux à réglementer de manière drastique (en pratique à les éliminer du champ de la santé en favorisant les produits de synthèse industriels, seuls munis des autorisations requises, les AMM) mais d’abord comme les êtres vivants qui produisent la vie et assurent la protection du règne animal, fondamentalement phytodépendant et vulnérable.

Calendula

Pour une définition réaliste et opérationnelle de la santé

Un besoin primordial de l’être vivant est de répondre de manière dynamique aux besoins d’adaptabilité et de protection dans un milieu imparfait, exigeant, compétitif, variable, perturbé et pathogène, ce qui correspond à la réalité des conditions de vie dans la nature, mais aussi en élevage ou dans les sociétés humaines. La santé doit être considérée comme une compétence dynamique permettant la résilience face aux variations des besoins et des conditions du milieu, ainsi que la réactivité lors des perturbations et des agressions. La définition statique officielle de l’OMS, la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, est particulièrement utopique et irréaliste dans notre monde perturbé, déséquilibré, instable et pathogène. La dynamique adaptative de la santé animale ou humaine est également phytodépendante, nous allons voir comment.

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